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Fabrice Deturck

machine

24 novembre - 24 décembre 2022

EVERYTHING’S GONNA BE ALRIGHT

« Il y a ainsi dans chaque homme, un animal enfermé dans une prison, comme un forçat, et il y a une porte, et si on entrouvre la porte, l’animal se rue dehors comme le forçat trouvant l’issue ; alors, provisoirement, l’homme tombe mort et la bête se conduit comme une bête, sans aucun souci de provoquer l’admiration poétique du mort (...) »

Georges Bataille, in « Métamorphose ; animaux sauvages »

Quand le peintre, ouvrant la jarre de la belle Pandore, leur a donné la permission de s’installer sur ses épaules, ils ne se sont pas fait prier. Dans le terrible cortège voici en désordre Schiele, Kahlo, Soutine, Bosch, Rebeyrolle, Bacon encore et encore. Géricault ou Delacroix. Vingt siècles de Christs, de martyrs, de révolutions sanglantes, de mas- sacres des innocents, de radeaux ivres et de jardins des délices. Les jugements derniers, les bûchers de l’enfer, les carcasses de bœuf en croix, disent avec Jean Rustin, peintre des solitudes, que « c’est bien dans le corps, dans la chair que finalement s’écrit l’histoire des hommes et peut-être même l’histoire de l’art ».

Terrifiés, des visages bouches poussent des cris muets parmi les matières molles que le pinceau distord jusqu’à rompre. Fabrice Deturck peint l’effroi dans les collisions de la pâte. Il faut l’imaginer au pied des descentes de croix, parmi les larrons cloués dont la chair cède peu à peu avant la poussière promise.

Des éclairages de commissariat écrasent des viandes tendues et des faces d’écorchés liés par des tuyauteries bricolées dans des scènes de crimes de déments, dissimulant à peine un irrépressible besoin de peindre sous les grotesques d’un carnaval macabre. Dans ces machineries, l’artiste rature, ponctue, distribue les stridences dans un décor de torture ou de services d’urgence. Il agite sans retenue les flux de l’obscénité du réel et sa laideur d’évier sous une lumière blanche. Le guerrier peintre ne concède aucun repos dans cette orgie savante de sonorités sales et de terminaisons nerveuses qui font grincer les dents.

Nous devons aussi accueillir le plaisir du jeu dans cette peinture qui dispose des pas de côté, des citations, des gifles d’humour de pendu et des énigmes qui cherchent leurs pistes parmi les cadavres exquis qui vont faire l’exposition bavarde. Dans ce simulacre des corps souffrants, rien n’est vrai et tout est vrai comme la bande de chiens hurleurs d’Henri Michaux cherchant une issue derrière les traits figés du visage.

La peinture se porte bien avec Fabrice Deturck qui développe la belle manière d’un baroque pour le grand théâtre de l’ivresse. Celle de Nietzsche pour qui elle est la condition d’un corps excité nécessaire à la naissance de l’œuvre au milieu d’une mer de forces. L’ivresse qui intensifie l’émotion et fait naitre une étrange beauté au milieu du sinistre tourbillon des brosses et des tubes vomissant des incarnats et des noirs.

Les mascarades et le fard, jusqu’à la bouffonnerie, posé sur l’irreprésentable.

Sans cesse, peindre les forces qui résistent au maitre absolu. C’est comme cela et pas autrement que tout ira bien. Une pulsion de vie menacée qui s’offre au baiser de la mort et fait crier l’art de peindre « afin de ne pas mourir de la vérité ».

                                                                                                                                  Christian Sozzi I Galerie B+

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