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Irène Desvignes

flux roses

11 septembre - 09 octobre 2021

vernissage samedi11 septembre

TECTONIQUE DU TENDRE

« (...) À l’intérieur d’un poing fermé, on peut réunir la beauté de mille falaises ».

Traité sur les jardins rédigé au XIIe siècle par Du Wan, le « Catalogue des Pierres de la Forêt des Nuages »

La peinture ne cache pas toujours un contenu dissimulé sous une forme couvrant avec virtuosité petit ou grand secret, tout à la fois dérobé et offert au regard. Il arrive que la forme elle-même soit le secret. C’est bien ce que nous suggère le travail d’Irène Desvignes. Que fait-on vraiment lorsqu’on ouvre la peau de la couleur, lorsqu’on la tend ou l’incise, lorsqu’on la caresse ou quand on la force ?

Des ondes roses qui dessinent des archipels dans un champ d’énergie, des aplats enserrant des fragments d’îles pris dans des cercles de chaleur ou des effleurements minéraux de jardins secs dans des sables liquides. Des silhouettes sont posées là puis ensevelies sous des matières, figuratives ou abstraites. Des formes à l’informe, un inventaire se devine et fuit dans les coulées claires, dépose là un gouffre incarnat, ici la stridence d’un vert vif. Des longues dérives et de brèves escales à peine crayonnées sur les carnets d’un voyage intime au milieu de quelques objets.

La peinture recouvre les traces anciennes, esquisse les figures à venir dans des fluides, laisse apparaitre les sédiments des souvenirs d’un geste. Elle soustrait jusqu’au dépouillement, renverse et réordonne des figures ou des lieux devenus inactuels. Ce palimpseste qui écrit les textes d’un jour nouveau semble garder malgré lui les traces qui l’ont précédé. Comme un mouvement qui n’aurait ni fin, ni fond.

C’est bien le corps qui s’impose dans ces entrelacs accueillant des formes qui s’échappent et s’engloutissent dans les germinations d’une matière molle. Irène Des- vignes peint les vertiges, les franges et les plongées d’une peau à toucher comme une source. Tout va de douceurs en frémissements dans cette topologie des sens. Lignes calmes ou véhémentes. Ce travail se soutient du corps même de la créatrice, qu’il soit entier ou mutilé, imaginaire ou désirant. La membrane d’une frontière qui isole et qui lie. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une figuration mais du choix difficile de peindre les énergies qui courent et qui participent à la création d’un nouveau monde.

Ces forces de peau sont aussi celles des origines des temps lorsque nous rêvons de la terre naissante et de ses paysages de pierre et d’arbres dressés. La peinture est un entre monde lorsque la rêverie n’est pas distincte des choses. Elle dit alors la mémoire des vieux volcans des nuits de Chaos avant Gaïa, des iles englouties, des sentiers ravinés après l’orage ou celle de la laisse de mer avec ses algues, mousses et coquillages, déposés par la houle et les courants de marée.

Les bois flottés de la vie.

 

                                                                                                                                  Christian Sozzi I Galerie B+

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