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Martian Ayme de Lyon

primaire et trait

27 novembre - 06 janvier 2022

vernissage samedi 27 novembre

VISAGE LEVANT

« Les têtes, les personnages, ne sont que mouvement continuel du dedans, du dehors, ils se refont sans arrêt, ils n’ont pas une vraie consistance » Alberto Giacometti, in « Carnets et feuillets », 1960

Ils se tiennent devant nous, sagement, en ordre d‘exposition. Sous un trait pur, percés de grands yeux, rongés par des cavités de couleurs contrastées, les visages font foule. Voici un petit groupe de femmes qui portent les airs de ressemblance d’une famille et peut-être liées par des histoires de vie dont on ne sait rien. Ces figures comme défaites et leurs fragments de corps offrent leurs vérités de peinture sans ostentation ni maniérisme. Les créatures d’encre qui nous font face témoignent d’une histoire des temps juxtaposés, de fragmentation des couches de pigments comme des épidermes et du tremblement des évidences sous la main et les désirs du papier. Ces visages forts ne nous disent rien d’autre que l’étonnement d’être nés.

Martian Ayme de Lyon dicte à la matière, gouverne la naissance des formes puis, en patience, attend un signe de l’oeuvre, comme s’il lui fallait interposer une distance avec sa création devenue vivante. Ordonnateur de l’imprévu, il écoute la couleur dont il recueille les dernières volontés. Il est le maître des horloges qui dresse, au fil des mois ou des ans, les cartographies successives de ces présences. L’artiste dit de ces monotypes qu’ils sont aveugles comme on le dirait des visages privés de la vue mais riches de tous les savoirs des autres sens. Sa recherche se soutient de la dynamique des contraintes fécondes de ce procédé de création et d’impression depuis une sobre matrice de pierre. Dans un réseau de lignes, de contours et d’aplats, là comme surgis de rien, le coloriste fait jouir les bleus, les rouges et les jaunes, superposés mais sans mélange, dans les variations infinies du papier. Faire confiance au temps qui passe et pressentir le potentiel de ce qui se dissimule dans les bouleversements à venir. Régler les passages successifs. Attendre encore. Abriter la montée du sensible dans des procédures de travail répétées mais toutes en différences. Ne rien tenir pour vrai qui ne soit préalablement soumis au jugement du temps pour enfin laisser la raison sensible triompher de la main du savoir.

La palette primaire jubile. Dans la texture de l’encre grasse le transparent joue avec la matité, le frottis avec la tache, la ligne franche avec la vagabonde. Le peintre et graveur, est poète lorsqu’il rapproche les mots des images pour nommer, au hasard des ans, La Dame au cri, les Vénissiannes, le Petit nu, La Rosière et qu’il glisse dans cette liste un Citron vert pour un plaisir acidulé. Les titres sont ici comme les mots antennes de Michel Leiris, posés de façon à produire de nouveaux courants et à déjouer, sans emphase, les certitudes dans lesquelles ces faces peintes sont rétives à se laisser enfermer.

Ici pas de belles séductrices toutes à leurs simulacres, de mères aimantes ou éplorées, ni même de gorgones pour nous pétrifier comme la Méduse aux grands yeux du peintre Jawlensky. Aucun de ces visages ne nous dévisage comme il est convenu dans l’art du portrait mais tous nous troublent de rappeler que nous sommes les rescapés d’une simple vérité de matière et, qui sait, du destin heureux d’un dessin trouvant sa couleur.

 

                                                                                                                                  Christian Sozzi I Galerie B+

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