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Le nom de la chose

Nous sommes souvent victimes de l’illusion de croire que la signification du langage est ce qu’il désigne. Ainsi du mot sexe qui peut renvoyer chacun à ses mystères de pudeur, de répulsion ou d’impensable et convoquer toutes les dimensions métaphoriques de l’art ou de la poésie. Il n’est pas besoin de vous faire injure en insistant pour dire que si le sexe est partout, cela signifie qu’il n’est pas tout à fait réductible à l’organe. Quant à dire ce qu’il en est de l’appartenance de chacun à un sexe, rapportée à l’apparence trompeuse d’une anatomie, vous conviendrez que cela complique un peu les choses. De surcroit, si le débat venait à explorer le rapport que les sexes entretiennent entre eux, les mots finiraient par manquer.

C’est pourquoi, dire d’une exposition qu’elle est érotique expose à des malentendus. Le premier peut laisser espérer ou redouter une exposition désuète du type de celle que l’on range, par analogie, dans les derniers rayons d’une bibliothèque qu’on nommait les enfers. Une exposition avec des guêpières et des tralalas.

Le second malentendu pourrait nous mettre dans le malaise d’avoir encore à subir une pesante démonstration de sciences humaines autour de graves enjeux sociaux et éthiques, et par cette porte ouverte, d’inviter les grandes figures de Georges Bataille ou de Jacques Lacan comme s’ils étaient chez eux, là, dans les moiteurs et les intimités. Un exposé savant qui dirait quelque chose de l’histoire du pêché du jardin d’Eden à Tinder.

Vous ne verrez rien d’autre dans l’exposition proposée par Gilles Maignaud et la Galerie B+ qu’une invitation faite à un groupe d’artistes de composer une variation multimédia en douceurs et en stridences, en cuivres et en murmures qui vous fera simplement penser à ce que vous aurez du mal à nommer.

Plus ou moins.

                                                                                                                          Christian Sozzi I Mars 2019 I Galerie B+

+ ou - sexe

Les propositions des six artistes réunis dans cette exposition interrogent toutes explicitement, voire crûment, le corps et le sexe. De fait, travailler plastiquement, poétique- ment, sur ce qui entretient un rapport avec le sexe c’est d’emblée se situer dans l’universel et l’intemporel qui constituent la toile de fond sur laquelle se peint la comédie humaine... Erotisme donc, mais érotisme pur, sans hypocrisie ni concessions bienpensantes et réactionnaires. Mais que l’on ne s’y trompe pas, érotisme n’est pas synonyme de légèreté de l’être, de jeu sans enjeu véritable, de superficialité. Au contraire l’érotisme mobilise la part profonde de l’humain, la part qui aspire au sacré et qui éprouve avec angoisse la finitude de notre condition. Quand Eros est là, Tanathos n’est jamais bien loin qui rôde alentour...

Gérald Bortoluzzi présente des figurines fabriquées avec du papier à cigarette, légères et livides comme des duvets d’oie blanche. Mais ce sont bien des corps et des corps amoureux ici représentés, et des corps qui en farandoles endiablées évoquent des danses macabres exécutées par des anges priapiques, en quête de rencontres amoureuses.

Dans un style plus classique, les dessins de Marjolaine Larrivé explorent l’auto-érotisme féminin et nous en livrent ses oniriques orgasmes. Quant à son très récent travail de céramique, il visite le sexe masculin érigé, qui, tel un minuscule menhir solitaire et prétentieux, évoque le célèbre « petit bonhomme de jade » de la tradition érotique extrême orientale. Elle présente également à l’étage de la galerie, un travail de savon sculpté –médium qui est plus dans sa veine habituelle- savon dont la rondeur lisse et moussante visite – et pénètre parfois - les parties les plus intimes du corps...

Depuis Cranach on sait bien que le voile dévoile plus qu’il ne masque et Gérard Mathie a bien intégré la leçon du vieux maître, lui qui dans la mise en scène plastique de ses photographies de nu, met à distance le corps féminin, objet permanent de son inspiration. Voiles, grillages, barreaux, éléments étrangers interposés pour en gêner la vision, sont autant de barrières que le regardeur doit franchir pour se saisir du sujet, pour atteindre l’objet du désir. Contournement des interdits, transgression, voilà qui est typiquement érotique, et ce n’est certainement pas Georges Bataille qui nous contredirait...

A travers ses photographies de la série « Slackly Fluids » et ses céramiques, Claire Paugam affirme une approche beaucoup plus viscérale. Son érotisme s’exprime dans le fait qu’elle focalise son présent travail sur les orifices du corps, orifices qui constituent les voies de communication matérielle entre un intérieur et des extérieurs. Les « trous » du corps, d’où naissent les désirs et passent leurs accomplissements, sont aussi sources de mystère et objets d’interdits.

Claire présente également la vidéo « self sex » co-réalisée avec Katerina Blahutova sur une pièce musicale de la musicienne Msea, où les contorsions rythmiques du corps féminin sont accentuées par l’immobilité minérale du paysage islandais.

Quant à Sarah V., ses dessins au crayon de couleur nous donnent à voir de délicats drapés figurant les lèvres d’un sexe féminin sublimé. Plis et replis de chair satinée et transcendée, anges de velours, ovalité du sexe comme deux mains jointes pour une hypothétique prière, ses dessins sont des icônes dont se dégage une autre religiosité, païenne celle-ci, si l’on peut dire... Parallèlement à son activité iconographique, toujours dans le champ (le chant !) de l’érotisme Sarah V. mène une activité poétique régulière dont elle nous livre ici un poème revisitée par Béatrice Brérot.

Béatrice très active sur la scène poétique régionale, adepte d’une poésie qu’elle appelle transgenre, c’est-à-dire d’une poésie qui emprunte tous les médiums possibles – livre, écriture, parole/son, multimédia... - présente une pièce sonorisée sur le poème de Sarah V dont il est question précédemment.

Au visuel il fallait bien ajouter l’auditif ne serait-ce que pour offrir au visiteur une autre approche de l’érotisme. Ecouter/regarder, entendre/voir, deux perceptions de « l’image érotique » qui induisent des niveaux de réception pas nécessairement identiques...

Finalement, dans les travaux ici présentés, tous les artistes abordent la question du sexe avec leurs propres sensibilités, leurs propres outils, empruntant leurs médiums de prédilection ou au contraire innovant pour l’occasion, et en célébrant le sexe et son corps, ils célèbrent par la même occasion l’art et son inventivité.

Aussi, sous couvert de sexe, le visiteur trouvera bel et bien dans cette exposition, de très riches et très variées propositions artistiques...

                                                                                                 Gilles Maignaud I Mars 2019 I Commissaire d’exposition

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