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Serge Thibault

Thing/Nothing

05 septembre - 03 octobre 2020

vernissage samedi 05 septembre

Le tout du monde

Paradoxe ? Dans ces abstractions, c’est d’abord la présence d’un brut qui s’impose : figures mi- dites, objets du quotidien, fragments de paysages, animaux ou fleurs. Tout est là qui force notre implication corporelle dans la peinture et ses espaces. D’emblée, les titres nomment sans équivoque : traces et fleurs, dune en Ré, couronne et lavabo, commode noire et fruits, l’amant, le corbeau…Nous voilà prévenus, c’est bien le concret du monde que le peintre présente sur les toiles et les papiers. Il le déforme ensuite, le fluidifie et le décentre en déplaçant sans cesse l’axe de sa peinture, comme s’il s’agissait- dirait Giacometti- de traquer la ressemblance des choses et des êtres avec eux-mêmes.

 

Le peintre arrime solidement l’imaginaire aux traces de l’intime et du quotidien pour donner corps au monde et lester la vie d’un poids de matière.  Les objets ou les figures sont autant d’attestations du vivant, points d’appui solides mais toujours en métamorphose.  Il y a tout d’une esthétique du fugitif, du mince et du léger. Nous sommes loin de l’inertie de l’objet banal. C’est d’un mouvement vital dont il s’agit.

A la spontanéité gestuelle et l’insouciance apparente des papiers, les toiles opposent à peine leur maitrise et leur solidité sous la précision de travaux préparatoires qui évoquent les premières méthodes de Hans Hartung quand il reportait au carreau des compositions gestuelles et lyriques, tracées au préalable sur des papiers de petits formats.

Les gestes sont amples ou minimalistes, en taches ou en signes. Les lignes volontaires ou serpentines font halte dans des points morts, reprennent souffle, se tendent à nouveau pour se briser dans des éclats ou se perdre sous des aplats de couleur. Les espaces s’étagent dans des plans aux combinaisons complexes puis se perdent dans des remous et des transparences comme des souffles. La palette des huiles est homogène. En tons rompus, elle propose des vieux roses, des bleus pâles, une riche variation de gris colorés et quelques ensembles polychromes.

Cette l’abstraction dévoilée sous les matières du réel est avant tout un rythme à partir des formes d’où il nait. Un son intérieur faisant d’un espace de tensions une totalité mélodique. La peinture assemble des fragments hétéroclites pour les ordonner aussitôt dans des situations instables ou des inachèvements. Le pinceau juxtapose, agrège, tranche. Faire apparaitre et disparaitre puis donner et retenir : c’est le lourd tempo qui guide l’artiste dans les tremblements de la peinture. Les choses sont bien là, de chair et d’os, mais toujours en métamorphoses et en tensions. Le rythme chaotique de la vie en attente de sa forme. Des tremblements dans des univers asymétriques et précaires.  La composition de Serge Thibault agence les rapports de densité, les équilibres dynamiques et les accords de ton. Dans cet ensemble, l’objet et la figure se font phénomènes quand le travail du peintre soustrait tout ce qui chute comme partie morte et n’est pas mobilisable dans ces pulsations vitales. A ce prix, il ne garde que les instants d’exception et les fragments intenses qui dessinent pour nous un chemin vers lui dans la forêt des signes.

 

                                                                                                                                  Christian Sozzi I Galerie B+

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